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Par NG le mardi 16 décembre 2008, 18:03 - Presse - Lien permanent
Dans Le Canard enchaîné du 10 décembre 2008, Jean-Luc Porquet consacre son indispensable rubrique Plouf !
à la relance d'un projet avorté au début des années 2000, j'ai nommé le livre électronique. Il a raison de souligner combien ce nouvel outil ne peut convaincre que les marketeurs et autres commerciaux qui vont se démener pour le refourguer. Mais à qui ? Voilà une question qui n'a pas encore de réponse tant ceux qui lisent n'ont que faire d'une pareille prothèse comme me le faisait remarquer récemment un ami.
Je laisse la parole au facétieux Jean-Luc Porquet qui remarque in fine que l'ebook qu'on poura laisser tomber dans la baignoire puis faire sécher sur une corde à linge
n'est pas pour demain :
Soyez sûrs qu'un de ces jours on finira par inventer un livre électronique qu'on pourra laisser tomber par terre sans qu'il sa casse. Et même, c'est fou, un engin écolo dont la batterie fonctionnera grâce à la seule énergie solaire ! Plus besoin de chercher une prise de courant pour le recharger. Un truc de ouf, non ?
Commentaires
comme le me faisait remarquer -> comme me le faisait remarquer ?
Ils vont le refourguer aux fans de technologie toujours plus nombreux, et aux amateurs de "vrais" livres une fois que les éditeurs auront été convaincus/achetés/corrompus et republieront leur catalogue (surtout les titres épuisés) sous forme électronique. "Ceux qui lisent" seront bien embêtés, ensuite, et faits comme des rats (de bibliothèque ?)...
Argh, je me suis emmêlé la syntaxe ! Merci Moumine, c'est corrigé.
Disons que ce qui me semble particulièrement absurde c'est qu'un PC (portable ou non) est déjà un livre électronique. J'ai du mal à concevoir comment, numérisation universelle oblige, ils pourraient limiter cette publication électronique aux seuls appareils du marché.
Mais bon, wait and see...
Gros lecteur, ennemi de la technologie, j'attends depuis des années le livre électronique, et n'exclus pas d'en acheter.
Porter trois ou quatre kilos de livres dans mon sac à dos quand je voyage, c'est sympa mais je vais bien finir par vieillir - apparemment je suis minoritaire en tenant compte de façon significative du POIDS des livres quand je sélectionne mes achats (et à pester devant le site d'Amazon qui ne fournit pas cette indication sur ses produits).
Pouvoir transporter l'information en significativement plus léger est un argument marketing bien approprié à mes besoins.
Le livre électronique peut bien entendu répondre à certaines contraintes bien particulières (celle que tu cites n'est pas à négliger mais relève plutôt de la situation exceptionnelle sauf à être un globe-trotter impénitent).
Mais comme toute prothèse il incarne surtout une perte. Le livre est un objet en trois dimensions qui se retrouve de fait aplati dans sa version numérique.
Plouf ! c'est bien la seule section du canard enchainé à ne pas lire. La partie où tout esprit critique disparait, remplacé par une bonne leçon de moraline.
Le Canard est un excellent journal et ils ont bien raison de mettre cette rubrique bien dans un coin et derrière plusieurs cadres. Plouf c'est le moment où le canard sacrifie son esprit à la flatterie des préjugés de ses lecteurs. Le plaisir favori de l'homme moderne c'est d'être conventionnel en se croyant original, de faire de la prose mais se croire poète. Le bourgeois gentilhomme adore plouf !
ça n'a rien de personnel, j'écris ici ce que je pense de plouf depuis un bon bout de temps. La bêtise conventionnelle faussement subversive, je l'ai identifiée depuis longtemps dans ce morceau, désolé.
Depuis le temps que nous nous fréquentons sur WP, je pense avoir bien saisi ton profil et je ne suis pas surpris que la pensée foncièrement non consensuelle de Porquet t'irrite. J'ai le sentiment que dès lors qu'une pensée s'exerce dans le sens opposé à ce que tu as l'habitude de te mettre sous la dent, celle-ci ne peut plus à tes yeux être qualifiée de pensée critique. C'est fâcheux comme posture intellectuelle.
Porquet est consensuel et le soi-disant consensus qu'il bousculerait est un fantôme, un homme de paille qu'on peut bruler avec bonne conscience.
Il faudrait que tu me donnes des exemples de ce consensus dont il serait en quelque sorte l'incarnation.
J'aurais du écrire "conformiste".
Je l'avais bien compris ainsi. "Consensus", "conformisme", bref "pensée dominante". J'aimerais bien en avoir un seul exemple dans les chroniques de Porquet.
J'évite l'expression relativiste "pensée dominante", qui sert à discréditer la notion de légitimité en interprétant toute inégalité entre idées comme résultant d'un rapport de force. Il n'y a pas de pensée dominante (qu'on ne prête d'ailleurs jamais qu'aux autres), en revanche il y a des conformismes, et Porquet en témoigne.
A son sujet. J'ai ouvert un numéro récent et le plouf sur lequel je suis tombé ne m'a pas réfuté : un article brulant WalMart pour dénoncer la légalisation accrue du travail le dimanche (un homme de paille). Avec diffusion de l'idée aberrante selon laquelle WalMart produit des pauvres pour les exploiter (alors qu'à l'inverse c'est parce qu'il y a des pauvres qu'il y a un supermarché bas-de-gamme), avec diffusion aussi de l'idée reçue sur la générosité de Ford et encore autre chose que j'ai oublié.
Paresse intellectuelle.
Qu'il n'y ait pas de pensée dominante relève de l'auto-intoxication ou de l'auto-aveuglement (les différentes idéologies sont autant de "pensées" et elles entrent bien chacune dans un rapport de force). Les mass medias en donnent tous les jours la preuve éclatante.
Je ne vois pas en quoi la question du travail dominical relève de la tactique de l'homme de paille. Le raisonnement que tu tiens sur la grande distribution et le hard discount en particulier est inversable à volonté si bien que Porquet n'a pas plus raison que toi. Et émettre l'hypothèse que les travailleurs pauvres de la chaîne Wal Mart n'ont pas d'autres choix que de se fournir dans les magasins à bas prix Wal Mart, entretenant par là-même un cercle vicieux mérite examen (d'ailleurs Porquet ne fait que rendre compte d'un livre qui traite de cette question). Cela fait historiquement écho à une pratique répandue à l'époque de l'expansion industrielle aux États-Unis (et ailleurs), par laquelle les patrons rémunéraient leurs salariés pour partie en bons d'achat valables uniquement dans leurs magasins...
Quant à la constatation qu'au cours du vingtième siècle il a existé un cercle plus ou moins vertueux entre hausse de la productivité et hausse des salaires, avec une répartition relativement équitable des gains entre salariés et actionnaires, elle est communément acceptée. L'exemple de Ford est canonique. Et dans une chronique, on fait toujours des raccourcis. C'est la loi du genre.
Non, la "pensée dominante" n'est qu'un épouvantail. On désigne par ces mots des pensées qu'on prête aux autres, en leur attribuant une cohérence, une unité et une profondeur qui n'existent pas. En France on aime bien lyncher mais pas sans bon prétexte. L'invention de la pensée unique, ou de la pensée dominante permet de lyncher avec bonne conscience des victimes aux torts imaginaires.
Quant à Porquet, il brule évidemment un homme de paille quand il consacre la plupart de son article à Wal-Mart alors que son sujet est le travail dominical.
Son sujet est plus largement l'exploitation des travailleurs salariés.